Elections à Taïwan : pourquoi la présidentielle et les législatives sont suivies de très près par la communauté internationale

Les Taïwanais se préparent à un vote sous tension. Appelés aux urnes samedi 13 janvier, les électeurs de ce pays de près de 24 millions d’habitants doivent désigner leurs parlementaires ainsi que leur président. Mais leur choix pourrait avoir des conséquences qui dépassent de loin les rivages de l’île. A commencer par un assombrissement des relations avec la Chine, qui considère depuis 1949 que Taïwan fait partie intégrante de son territoire.

Pékin voit en effet d’un mauvais œil le favori des sondages pour la présidentielle, l’actuel vice-président William Lai, issu du Parti démocrate et progressiste (DPP). Au pouvoir depuis 2016, le DPP prône l’autonomie et la coopération avec les Etats-Unis notamment. Le politicien de 64 ans est ainsi considéré comme un “grave danger”, selon la Chine, qui a multiplié ces dernières années les intimidations envers Taïwan, agitant constamment la menace d’une invasion militaire.

Mardi, le lancement mardi d’une fusée transportant un satellite chinois au nord de Taïwan a provoqué la confusion sur l’île, après l’envoi d’une alerte au missile sur tous les téléphones portables du réseau national. Vendredi, l’armée chinoise a également annoncé qu’elle “écraserait” tout projet d’“indépendance” de l’île. La veille, Pékin avait officiellement appelé les Etats-Unis à ne “pas se mêler” du scrutin.

Dans ce climat de fébrilité, les Américains, principaux alliés militaires de Taïwan, surveillent attentivement les élections de samedi et exhortent aussi la Chine à respecter leurs résultats. Une responsable américaine a ainsi annoncé l’envoi d’une “délégation informelle” sur place. Car un embrasement dans le détroit de Taïwan poserait un sérieux défi à Washington et représenterait un risque majeur pour l’économie mondiale.

Une campagne centrée sur la Chine

Samedi, trois grands partis sont en lice pour les élections. Le Kuomintang (KMT), le plus ancien, espère reprendre le pouvoir perdu en 2016. Le DPP cherche lui à le conserver, pour quatre années supplémentaires. Plus récent, le Parti populaire de Taïwan (TPP) a connu une belle ascension dans les sondages et veut s’imposer comme la troisième force politique du pays, en gagnant de l’influence au Parlement.

“Durant la campagne, les discussions ont notamment porté sur l’énergie, le logement et la natalité, des thèmes chers aux Taïwanais”, explique Marc Julienne, chercheur à l’Institut français des relations internationales (Ifri) et spécialiste de la région. “Mais la Chine reste quand même au centre du jeu électoral et représente la principale opposition entre les lignes des candidats”, rappelle-t-il. Et le docteur en sciences politiques de mettre en garde : ces dissensions sont “plus complexes qu’il n’y paraît”.

Après des décennies de querelles entre les soutiens de l’unification avec la Chine et les partisans de l’indépendance, “les clivages politiques traditionnels se sont effacés”, souligne Marc Julienne. Le DPP a laissé tomber son projet de déclaration d’indépendance, “car le parti considère que Taïwan a tous les attributs d’un Etat indépendant”, explique-t-il. De l’autre côté de l’échiquier, le Kuomintang ne milite plus pour l’unification, “car ce serait un suicide électoral face à une identité taïwanaise qui s’est renforcée”, détaille le chercheur. A Taïwan, on s’oppose désormais sur l’attitude à adopter vis-à-vis de la Chine. Par crainte d’une guerre, faut-il rouvrir les canaux de discussion et collaborer économiquement avec Pékin, comme le proposent Hou Yu-ih et Ko Wen-je, respectivement candidats du KMT et du TPP ? Ou refuser “la fausse paix” et ignorer ce voisin tant qu’il se montre menaçant, comme le réclame William Lai ?

Des enjeux militaires et énergétiques

En toile de fond de ces débats, les manœuvres de la Chine sont incessantes. Ces dernières années, Pékin a effectué un nombre considérable de patrouilles maritimes, de simulations d’invasion et d’incursions dans la zone d’identification et de défense aérienne (Adiz) de l’île, un périmètre commençant à 200 km des côtes. A une semaine des élections, quatre ballons lancés par Pékin et une dizaine d’avions militaires ont été repérés par l’armée taïwanaise, alors que des ONG locales dénoncent des campagnes chinoises de désinformation par SMS et sur les réseaux sociaux, comme le rapporte France 24.

Concernant les enjeux de défense, les différents partis sont à peu près d’accord sur de nombreux points, comme l’allongement de la durée du service militaire à 12 mois ou encore le renforcement des capacités de son armée. Un sujet essentiel pour Taïwan, qui compte douze fois moins de troupes que Pékin, rappelle le magazine Time. Là où les candidats s’opposent, c’est au sujet de l’autonomie énergétique, alors que l’île compte encore énormément sur l’extérieur pour s’approvisionner en gaz et en pétrole. Ajoutée à un réseau vieillissant, cette dépendance “révèle une faiblesse importante dans la défense de Taïwan”, explique le chercheur Anthony Ho-fai Li dans une note pour l’université de Nottingham.

Si les partis ont le “même objectif”, à savoir atteindre le tout renouvelable, “leurs instruments sont différents”, rappelle-t-il. Le recours au nucléaire divise notamment le DPP, partisan d’une sortie totale d’ici 2025, et les partis d’opposition, qui veulent rouvrir tout ou partie des quatre centrales du pays. “Le nucléaire est une question de souveraineté énergétique, mais aussi de sécurité nationale”, détaille Marc Julienne.

“Dans les scénarios de blocus mis en place par la Chine, voire d’invasion, la très faible autonomie énergétique de Taïwan est un enjeu important.”

Marc Julienne, spécialiste de la Chine

à franceinfo

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